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Un conte pour la liberté, créé dans les années 70...

Cadeau d’oiseau.


Il était une fois un grand pays. Comme dans tous les grands pays il y avait un grand roi. Comme tous les grands rois, il avait de grandes prisons, et dans cette grande prison loin de la ville, il y avait une vieille tour, et en haut de cette tour, une toute petite cellule oubliée de tous, à part un vieux gardien qui parfois, quand il n’avait pas trop bu, allait y jeter un quignon de pain et un peu d’eau.
Dans cette sombre pièce était un tas de vieilles fripes ou vivait encore un homme, enfin ce qui restait de ce qui avait été autrefois un homme.

Oh cela faisait longtemps que plus personne ne savait pourquoi il était là, mais c’était probablement très grave, avait-il volé ? Avait-il tué, ou même pire avait-il oublié de saluer le roi ? Même lui ne le savait plus, il ne savait même plus qui il était, il mangeait à peine, buvait un peu respirait encore mais il ne pensait plus, à quoi bon penser dans une existence si dénuée de sens sans aucun espoir ni joie.
Le printemps avec sa pluie, l’été avec sa soif, l’automne avec son vent, l’hiver avec son froid se succédaient inexorablement.

La liberté ça se donne…

Or un jour qui s’annonçait pourtant aussi monotone que les autres, survint un très violent orage, les nuages tourbillonnaient dans le ciel, la grêle fracassait le sol, la foudre déchirait l’espace, le tonnerre vibrait les pierres et le vent arrachait les branches et les tuiles.

Au fond de son trou le prisonnier entendait mais n’écoutait même pas le sifflement du vent sur sa lucarne, mais dans une bourrasque encore plus violente que les autres, une rafale projeta par la lucarne une petite boule qui vint heurter la vieille couverture de l’homme immobile.

Il ne réagit pas, mais la petite chose un moment immobile, se mit à bouger un peu. L’homme se tourna sur sa couche. Mais l’objet pépia doucement, alors l’homme ouvrit les yeux et regarda une petite boule de plume ébouriffée qui gisait sur le sol. Oh cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas vu un oiseau qu’il mit quelques temps à se souvenir et comprendre. Mais il avait si faim que voir enfin un peu de nourriture différente, le poussa à le ramasser. A peine entre ses mains, l’oiseau frigorifié se blottit en tremblant.

La liberté ça se donne…

Alors l’homme hésita à le manger, depuis une éternité rien n’était jamais arrivé dans sa vie de prisonnier, ce simple petit visiteur imprévu était une aventure extraordinaire. Alors il le regarda sous toutes les angles, mais vu qu’il n’y avait pas grand-chose à béqueter. Mais le plus surprenant et que quelque chose avait changé dans sa monotonie. Alors il se dit qu’il le mangerait plus tard …

L’oiseau bougeait et souffrait. Il vit qu’il s’était cassé l’aile, il décida de le nourrir pour que plus tard, peut-être, il soit plus dodu, alors il prit un peu de son pain rassit, en fit une bouillie avec de l’eau de pluie qui suintait des poutres, et commença à nourrir l’oiseau.

La liberté ça se donne…

Avec le temps l’oiseau pris ses habitudes, venant au chaud dans son cou pour dormir, explorant les angles de la prison en trainant son aile blessée, chaque jour passant le prisonnier repoussait au lendemain ce repas inespéré. Mais le prisonnier réalisa peu à peu qu’il n’était plus seul et changea ses habitudes, il secoua sa couverture, jeta ses ordures par la lucarne, et fit une petite place à son petit compagnon.

Les jours passaient et poussaient aussi les semaines, l’oiseau chantait chaque jour un peu plus clair, son aile allait mieux, le prisonnier ne pouvait plus le quitter des yeux, tous ses actes étaient maintenant rythmés par la vie de son petit ami.

Un jour arriva où l’oiseau sauta vers la lucarne, l’homme eu peur de le voir partir mais une petite voix lui disait encore « la liberté ça se donne ». Le lendemain l’oiseau s’envola juste un peu pour vite se reposer, cela faisait longtemps que ses ailes n’avaient plus de force.

Avec les mois passant, l’oiseau maintenant s’envolait tout autour de la tour, il allait chaque fois toujours plus loin dans le ciel, l’homme ne le voyait presque plus ébloui par le soleil, mais lau coucher du soleil, l’oiseau revenait vers lui dormir dans sa couverture.

La vie a ses saisons, et la vie ses raisons, elle exige son besoin d’aventures, il vint un jour où d’autres oiseaux se rassemblèrent pour la migration, petit oiseau reconnu les siens, il voleta plus fort que d’habitude dans la prison, et avec un chant superbe comme pour remercier, il s’envola dans le ciel pour ne plus revenir.

La liberté ça se donne…

Le prisonnier se recoucha dans son silence et sa solitude, et peu à peu oublia cette parenthèse à son ennui. L’hiver fut encore plus froid car il n’est pas de plus grande solitude que celle qu’on connait après avoir perdu son seul ami. Il regrettait même d’avoir laissé libre son oiseau, quelle ingratitude, s’il l’avait pu le manger il aurait retrouvé au moins une fois dans sa triste vie le gout de la viande ! Pourquoi lui avoir donné la liberté de s’envoler au lieu de prendre ma liberté de le croquer !

Le temps passait, il redevint celui qui ne savait plus qui il était, qui mangeait à peine, buvait un peu, respirait encore mais ne pensait plus, à quoi bon penser dans une existence si dénuée de sens sans aucune joie ni espérances.

Un printemps encore, dans le silence du temps qui passe… La liberté ça se donne…

Une trompette n’aurait fait plus de bruit, réveillé en sursaut le prisonnier vit l’oiseau revenu se percher sur le bord de la lucarne, et il n’était pas tout seul, toute une famille ! Et ça piaillait à n’en plus finir, ça voletait dans tous les coins de pièce… Lui qui avait tout oublié des émotions passées, voilà qu’il en pleurait !

Mais la vie était dehors alors les oiseaux repartirent dans le ciel, sauf son ami avec son aile encore un peu reconnaissable qui vint se poser sur sa main pour laisser tomber dans sa paume une petite graine. Puis avec un chant sublime il s’envola jusqu’à l’horizon.

Oh non pas encore ce retour à la solitude, pensa l’homme désespéré. Pourquoi l’oiseau m’a-t-il donné cette graine comme une reconnaissance, c’est peut-être pour lui la meilleure de toutes les graines, peut-être qu’elle vient du bout du monde, un repas de prince pour un oiseau mais même pas une miette pour un homme…

L’homme se recoucha dans sa solitude, attristée par ses souvenirs passés…

« La liberté ça se donne… » Cette phrase revenait sans arrêt dans son rêve, l’empêchant de dormir. Comment donner la liberté quand on est seul, à qui la donner ?

Il prit la graine ramassa de la boue sur le sol de sa cellule, choisi au coin de sa lucarne le seul endroit où le soleil venait parfois, fit un petit tas et y plaça soigneusement la graine et en épongeant avec un bout de chiffon, il l’arrosa d’un peu d’eau.

Il attendit longtemps mais un jour une petite pousse émergea. Alors chaque jour il apporta un peu d’eau, de terre et beaucoup d’attention. Chaque matin il attendait impatiemment la première lueur du jour pour voir de combien elle avait grandit, et chaque jour en remerciement, la petite pousse ajoutait une nouvelle feuille. Une plante lui avait donné une raison de vivre !

La petite plante fit une branche, puis deux, ses racines plongeaient toujours plus profond entre les vielles pierres. Un tronc aujourd’hui allait hors de sa vue dans le ciel, et pleins d’oiseaux venaient s’y reposer, il fit bientôt des fleurs, et même des fruits étranges. Les racines éclataient peu à peu les murs…

Un grand matin l’homme vit que les murs s’étaient ouvert sous la force du grand arbre, alors il se leva, secoua sa poussière, se glissa entre les pierres, descendit le long des racines jusqu’au sol et partit sur la route loin de sa prison, loin de ce pays et marcha sans plus jamais s’arrêter.

« La liberté ça se donne » voilà le message qu’il m’a transmis quand je l’ai rencontré et qu’il m’a sourit.
Ensuite je l’ai vu, marchant, encore plus loin que l’horizon, entouré de ses arbres et de ses oiseaux, et qui sait, peut-être qu’un jour, vous aussi, vous le rencontrerez, car je crois bien qu’il marche encore…

Page écrite le 27-11-2015

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